Francisco Sobrino
« Les œuvres parlent d’elles-mêmes… »
26 octobre > 24 novembre 2007
Alchimiste du XXème siècle
« Mes œuvres parlent d’elles-mêmes » déclare avec véhémence Francisco Sobrino en buvant sa bière à la terrasse du Balto. Alors je vais vous parler un peu de Monsieur Sobrino, tel que je le connais en ce début de siècle, essayer de vous faire découvrir ce personnage attachant et subtil dont la seule vraie patrie est l’art cinétique. Argentin en Espagne, espagnol en Argentine et étranger en France où il débarque d’un paquebot en 1959 sans un sous en poche les yeux pétillants et la moustache en brosse. C’est le temps de la bohême et des vaches maigres. Les portions du restau-u n’ont rien à voir avec les biftecks argentins ; en Argentine, raconte-t-il avec nostalgie quand on a faim dans la pampa, on tue une vache, et on la mange. A Paris… c’est différent mais on peut voir en vrai tous ces tableaux dont on avait entendu parler à l’école des Beaux Arts à Buenos Aires. Pour vivre, il vend de charmants petits dessins surréalistes à Saint-Germain des Prés, le surréalisme est à la mode, l’art géométrique n’intéresse encore que peu de collectionneurs. Bien sûr il y a Vasarely et Denise René chez qui Sobrino expose dès mai 1961 avec le GRAV mais il faudra qu’il attende jusqu’en 1968 pour avoir sa première exposition personnelle dans la galerie d’art cinétique de Paris. C’est le personnage de Vasarely qui attire tous ses jeunes gens venus d’Amérique du Sud… Je ne vous parlerai pas du GRAV, beaucoup de livres sérieux ont déjà été écrits sur le sujet, mais je vous livre la conclusion unanime cinquante ans plus tard de tous ses auteurs et de leurs épouses respectives qui ont été partie prenante de l’aventure : « on s’est bien amusé ».
Francesco Sobrino vitupère contre l’image romantique de l’artiste. Les formes géométriques existent par elles-mêmes. « Deux ans pour peindre un seul tableau ! » s’écrie avec véhémence Monsieur Sobrino quand je lui demande pourquoi il a choisi le plexiglas dont il a fait son medium de prédilection. Le plexiglas donne d’emblée une dimension sculpturale à ses œuvres et teinté dans la masse il se prête fort bien à l’art géométrique. « Avec la géométrie, je peux employer un abécédaire compréhensible à tous. Un carré reste toujours un carré. Quand je fais un cercle qui bouge, tout le monde voit un cercle qui bouge.»
Né dans une famille ouvrière espagnole, Francisco Sobrino a traversé la guerre civile, il a assisté aux grands mouvements sociaux de son époque, participé activement en France au mouvement de mai 1968, il a le sens de la justice, sa générosité va de pair avec son opiniâtreté lorsqu’il s’estime lésé. Fidèle à ses idées politiques, il refuse d’occuper le pavillon espagnol à la Biennale de Venise en 1973, Franco est toujours au pouvoir. Ses sculptures monumentales parlent pour lui, la généalogie de la géométrie ne passe pas toujours par l’informatique.
Lélia Mordoch
CV Sobrino
email : lelia.mordoch.galerie@wanadoo.fr